Sanctions en cas de fausse déclaration dans l’assurance prêt immobilier

Dans le cadre d’un prêt immobilier, l’assurance emprunteur constitue une protection tant pour l’établissement prêteur que pour l’emprunteur et sa famille. Toutefois, cette garantie repose sur un fondement juridique strict : la sincérité des déclarations fournies lors de la souscription. Face aux tentations de minimiser certains risques pour obtenir un taux plus avantageux ou éviter un refus, le législateur a prévu un arsenal de sanctions graduées. Les conséquences d’une fausse déclaration peuvent s’avérer dramatiques, allant de la simple majoration de prime jusqu’à la nullité du contrat, voire des poursuites pénales. Ce régime sanctionnateur, encadré par le Code des assurances, distingue subtilement les déclarations inexactes selon leur caractère intentionnel ou non, et module les réponses juridiques en fonction de la gravité de l’omission.

Le cadre juridique des déclarations dans l’assurance emprunteur

L’assurance emprunteur s’inscrit dans un cadre légal précis défini principalement par le Code des assurances. Ce dernier impose à l’assuré une obligation de sincérité lors de la souscription. L’article L.113-2 du Code des assurances stipule que l’assuré est tenu de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque. Cette obligation constitue le socle de l’équilibre contractuel entre les parties.

Le questionnaire médical représente l’élément central de cette déclaration dans le cadre d’une assurance prêt immobilier. L’assuré doit y mentionner son état de santé actuel, ses antécédents médicaux, ses traitements en cours et toute pathologie dont il aurait connaissance. La loi Lemoine du 28 février 2022 a certes supprimé le questionnaire médical pour certains prêts immobiliers (montant inférieur à 200 000 euros et échéance avant 60 ans), mais pour les autres situations, cette obligation perdure.

La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé les contours de cette obligation déclarative. Selon une décision du 15 février 2018 (Civ. 2e, n°17-12.508), l’assuré doit déclarer les circonstances qui permettent à l’assureur d’apprécier les risques qu’il prend en charge, mais uniquement celles sur lesquelles il est expressément interrogé. Cette nuance s’avère fondamentale : l’assuré n’est pas tenu de déclarer spontanément des éléments sur lesquels l’assureur ne l’interroge pas.

Le législateur distingue trois types de fausses déclarations :

  • La déclaration inexacte de bonne foi (sans intention de tromper)
  • La fausse déclaration intentionnelle (avec volonté de tromper)
  • La réticence dolosive (omission volontaire d’une information déterminante)

Cette catégorisation s’avère déterminante car elle conditionne la nature et l’ampleur des sanctions encourues. Le principe de proportionnalité guide ce dispositif sanctionnateur : plus l’intention frauduleuse est caractérisée, plus la sanction sera sévère. Les tribunaux examinent donc avec minutie l’état d’esprit de l’assuré au moment de remplir son questionnaire médical, ce qui peut nécessiter des investigations approfondies.

Les sanctions civiles en cas de fausse déclaration non intentionnelle

Lorsqu’une inexactitude est relevée dans les déclarations de l’assuré, mais qu’aucune intention frauduleuse n’est établie, on parle de fausse déclaration non intentionnelle ou de bonne foi. Cette situation est encadrée par l’article L.113-9 du Code des assurances qui prévoit un régime de sanctions civiles adapté.

La principale conséquence est l’application de la règle proportionnelle de prime. Concrètement, en cas de sinistre (décès, invalidité ou incapacité de l’emprunteur), l’indemnisation sera réduite proportionnellement au rapport entre la prime payée et celle qui aurait dû être versée si le risque avait été correctement déclaré. Par exemple, si l’assuré a omis de mentionner une pathologie qui aurait entraîné une majoration de prime de 50%, l’indemnité sera réduite d’un tiers.

Cette réduction proportionnelle s’accompagne généralement d’une régularisation du contrat. L’assureur, après avoir constaté l’inexactitude, propose une révision du contrat avec une prime ajustée au risque réel. L’assuré dispose alors d’un délai, généralement de 10 jours, pour accepter cette modification ou résilier le contrat. Cette faculté de régularisation distingue fondamentalement la fausse déclaration non intentionnelle de la déclaration frauduleuse.

Cas pratique de réduction proportionnelle

Un emprunteur contracte une assurance pour un prêt immobilier de 300 000 euros. Il omet de mentionner qu’il souffre d’hypertension légère traitée médicalement. Quelques années plus tard, il devient invalide suite à un accident sans rapport avec son hypertension. L’assureur découvre alors cette omission et établit que la prime aurait dû être majorée de 20%. Au lieu de verser 300 000 euros pour solder le prêt, l’assureur appliquera la règle proportionnelle et versera 250 000 euros (300 000 × prime payée ÷ prime qui aurait dû être payée), laissant à l’assuré une dette résiduelle de 50 000 euros.

La jurisprudence a toutefois apporté des nuances importantes à ce mécanisme. Dans un arrêt du 17 février 2016 (Civ. 2e, n°15-12.751), la Cour de cassation a précisé que la réduction proportionnelle ne s’applique que si l’inexactitude a eu une incidence sur l’appréciation du risque par l’assureur. Ainsi, si l’omission porte sur un élément sans rapport avec le sinistre survenu, certaines juridictions du fond refusent parfois d’appliquer cette sanction.

Par ailleurs, le délai de prescription pour ce type d’action est de deux ans à compter de la découverte de l’inexactitude par l’assureur, conformément à l’article L.114-1 du Code des assurances. Cette limitation temporelle constitue une protection non négligeable pour l’assuré face à d’éventuelles contestations tardives.

La nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle

La fausse déclaration intentionnelle représente la situation la plus grave en matière d’assurance emprunteur. L’article L.113-8 du Code des assurances prévoit une sanction radicale : la nullité du contrat. Cette disposition s’applique lorsque l’assuré a délibérément dissimulé ou déformé des informations dans l’intention de tromper l’assureur sur l’appréciation du risque.

La nullité signifie que le contrat est réputé n’avoir jamais existé. Concrètement, l’assureur est libéré de toute obligation d’indemnisation, même si le sinistre n’a aucun rapport avec l’élément dissimulé. De plus, l’assureur conserve les primes déjà versées à titre de dommages et intérêts, et peut même exiger le paiement des primes échues. Les conséquences financières pour l’emprunteur peuvent être catastrophiques : en cas de décès ou d’invalidité, la banque exigera le remboursement immédiat du capital restant dû, sans aucune couverture assurantielle.

Pour que cette sanction s’applique, deux conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Le caractère intentionnel de la fausse déclaration
  • Le caractère substantiel de l’information dissimulée (elle aurait changé l’appréciation du risque)

La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 7 mars 2019 (Civ. 2e, n°18-10.713) que la preuve de l’intention frauduleuse incombe à l’assureur. Cette preuve peut résulter d’un faisceau d’indices : caractère manifeste de l’omission, connaissance certaine par l’assuré de l’information dissimulée, caractère déterminant de cette information pour l’assureur.

Illustrations jurisprudentielles de nullité

Dans un arrêt du 12 mai 2021 (Civ. 1ère, n°19-25.400), la Cour de cassation a confirmé la nullité d’un contrat d’assurance emprunteur pour un assuré qui avait nié tout traitement médical alors qu’il suivait un traitement lourd pour une pathologie cardiaque depuis plusieurs années. La Cour a retenu que cette dissimulation ne pouvait être que volontaire compte tenu de la gravité et de la chronicité de l’affection.

À l’inverse, dans une décision du 29 avril 2020 (Civ. 2e, n°19-11.267), les juges ont refusé d’annuler un contrat lorsque l’assuré avait omis de mentionner une consultation médicale ponctuelle sans suivi ultérieur, estimant que l’intention frauduleuse n’était pas caractérisée.

La nullité du contrat peut être prononcée même après plusieurs années de versement des primes, et même si le sinistre survenu n’a aucun lien avec l’élément dissimulé. Cette rigueur s’explique par le fait que l’assureur aurait pu refuser la couverture ou l’accorder à des conditions différentes s’il avait eu connaissance de tous les éléments du risque.

Les poursuites pénales et sanctions complémentaires

Au-delà des conséquences civiles, une fausse déclaration intentionnelle peut exposer l’assuré à des poursuites pénales. Bien que le Code des assurances ne prévoie pas de sanction pénale spécifique, plusieurs qualifications du Code pénal peuvent s’appliquer selon les circonstances.

La qualification d’escroquerie, définie à l’article 313-1 du Code pénal, est la plus fréquemment retenue. Elle suppose l’emploi de manœuvres frauduleuses destinées à tromper une personne morale ou physique pour l’amener à remettre des fonds ou un bien quelconque. La peine encourue peut atteindre cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. Cette qualification s’applique particulièrement lorsque l’assuré a produit de faux documents médicaux ou falsifié des résultats d’analyses.

La tentative d’escroquerie est également punissable des mêmes peines, même si le sinistre n’est pas survenu et qu’aucune indemnisation n’a été versée. Le simple fait d’avoir tenté d’obtenir une garantie à des conditions plus avantageuses par des moyens frauduleux peut constituer l’infraction.

Dans certains cas, la qualification de faux et usage de faux (article 441-1 du Code pénal) peut être retenue, notamment lorsque l’assuré a produit des attestations médicales falsifiées. Cette infraction est punie de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Les poursuites pénales pour fausse déclaration en matière d’assurance emprunteur restent relativement rares dans la pratique judiciaire. Les assureurs privilégient généralement la voie civile, plus rapide et moins coûteuse. Toutefois, dans les cas les plus flagrants ou impliquant des montants très élevés, des plaintes pénales peuvent être déposées.

Sanctions professionnelles et bancaires

Au-delà des sanctions civiles et pénales, l’emprunteur s’expose à des conséquences pratiques non négligeables. Une fois inscrit dans les fichiers professionnels des assureurs comme auteur d’une fraude, il pourra rencontrer d’importantes difficultés pour obtenir une nouvelle assurance, quel que soit le domaine (auto, habitation, santé, etc.).

Par ailleurs, en cas de nullité du contrat d’assurance emprunteur, la banque prêteuse peut prononcer la déchéance du terme du prêt immobilier et exiger le remboursement immédiat du capital restant dû. Cette clause figure généralement dans les contrats de prêt qui stipulent l’obligation de maintenir une assurance valide pendant toute la durée du crédit.

Enfin, l’emprunteur peut être inscrit au Fichier des Incidents de remboursement des Crédits aux Particuliers (FICP) en cas de défaillance consécutive à l’annulation de son assurance, ce qui compromettra ses capacités d’emprunt futures pendant plusieurs années.

Stratégies préventives et recours pour les emprunteurs

Face à la sévérité des sanctions encourues, la meilleure stratégie reste la prévention. L’emprunteur doit aborder le questionnaire médical avec une transparence totale, même si certaines déclarations peuvent entraîner une surprime ou des exclusions de garantie.

Avant de remplir le questionnaire, il est recommandé de consulter son médecin traitant pour faire le point sur son dossier médical. Ce professionnel pourra aider à répondre avec précision aux questions, notamment concernant les dates de diagnostics ou les traitements suivis. Il est d’ailleurs possible de remplir le questionnaire médical en présence d’un médecin, qui pourra attester de la sincérité des réponses.

En cas de doute sur la portée d’une question ou sur l’obligation de mentionner certains antécédents, l’emprunteur peut solliciter des précisions écrites auprès de l’assureur. Ces échanges constitueront des preuves précieuses en cas de litige ultérieur.

Pour les personnes présentant un risque aggravé de santé, la convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) offre un cadre facilitant l’accès à l’assurance. Cette convention prévoit un examen approfondi de la demande à trois niveaux successifs et peut aboutir à une proposition d’assurance, éventuellement avec surprime ou exclusions de garantie, mais qui protégera l’emprunteur contre les conséquences d’une absence totale de couverture.

Recours en cas de litige

Lorsqu’un assureur invoque une fausse déclaration, l’assuré dispose de plusieurs voies de recours :

  • Contester directement auprès de l’assureur en apportant des preuves de sa bonne foi
  • Saisir le médiateur de l’assurance, procédure gratuite et non contraignante
  • Consulter un avocat spécialisé en droit des assurances pour envisager une action judiciaire

Dans le cadre d’une action judiciaire, plusieurs arguments peuvent être développés par la défense :

D’abord, l’ambiguïté des questions posées dans le questionnaire médical peut être invoquée. La jurisprudence considère en effet que les questions imprécises ou équivoques doivent s’interpréter en faveur de l’assuré. Un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2017 (Civ. 2e, n°16-10.323) a ainsi refusé d’annuler un contrat lorsque la question sur les antécédents médicaux ne précisait pas la période concernée.

Ensuite, l’absence de lien de causalité entre l’élément non déclaré et le sinistre peut parfois être invoquée. Bien que ce moyen soit généralement inopérant en cas de fausse déclaration intentionnelle (la nullité s’appliquant indépendamment de ce lien), il peut être retenu par certains juges du fond dans une approche équitable, particulièrement en cas de fausse déclaration non intentionnelle.

Enfin, la prescription biennale constitue un moyen de défense efficace. L’article L.114-1 du Code des assurances prévoit que toute action dérivant d’un contrat d’assurance est prescrite par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance. Pour l’assureur, ce délai court théoriquement à compter de la découverte de la fausse déclaration, mais il lui appartient de prouver la date de cette découverte.

Au-delà des sanctions : vers une meilleure protection des emprunteurs

L’évolution législative récente tend vers un meilleur équilibre entre les droits des assureurs et la protection des emprunteurs. La loi Lemoine du 28 février 2022 a marqué une avancée significative en supprimant le questionnaire médical pour certains prêts immobiliers (montant inférieur à 200 000 euros par assuré et terme du remboursement avant le 60e anniversaire de l’assuré).

Cette réforme limite mécaniquement les risques de fausse déclaration pour une partie des emprunteurs. Toutefois, elle ne concerne pas tous les prêts immobiliers et laisse subsister la problématique pour les emprunts de montants plus élevés ou s’étendant au-delà de 60 ans.

Par ailleurs, le droit à l’oubli, progressivement étendu par les lois successives, permet aux personnes ayant souffert de certaines pathologies graves (notamment cancéreuses) de ne plus avoir à les déclarer après un délai défini (5 ans après la fin des traitements pour de nombreux cancers). Cette avancée réduit les tentations de dissimulation pour les anciens malades.

La délégation d’assurance, facilitée par les lois Lagarde, Hamon et Bourquin, offre aux emprunteurs davantage de flexibilité pour choisir leur assurance prêt immobilier. Cette mise en concurrence favorise une meilleure adéquation entre le profil de risque réel de l’emprunteur et la couverture proposée, limitant ainsi les situations où l’assuré pourrait être tenté de dissimuler certains éléments pour obtenir une tarification acceptable.

Enfin, la numérisation des données de santé et l’interconnexion croissante des systèmes d’information médicaux rendent les tentatives de dissimulation plus risquées. Les assureurs disposent aujourd’hui de moyens d’investigation plus performants pour vérifier la cohérence des déclarations, notamment lors de la survenance d’un sinistre.

Ces évolutions dessinent progressivement un système plus équilibré, où la sincérité des déclarations reste fondamentale mais où les contraintes pesant sur les emprunteurs sont allégées pour les situations les plus courantes ou les plus sensibles. Cette tendance devrait se poursuivre, avec un probable renforcement des dispositifs de solidarité nationale pour les risques aggravés de santé.

La jurisprudence joue également un rôle modérateur en exigeant des assureurs qu’ils formulent des questions claires et précises dans leurs questionnaires médicaux. Cette exigence de qualité réduit les risques de malentendu ou d’interprétation erronée par les assurés, source fréquente de litiges ultérieurs.

En définitive, si les sanctions en cas de fausse déclaration demeurent sévères et justifiées par l’importance de la sincérité dans la relation contractuelle d’assurance, l’environnement juridique évolue vers une meilleure prise en compte des réalités sociales et médicales des emprunteurs.